C’est bientôt la journée mondiale du cancer (le 4 février d’après mes infos)…
Alors je tenais à vous parler d’un sujet un peu délicat : les perturbateurs endocriniens dans nos cosmétiques.
Je voulais aussi vous présenter mon amie Pascale qui vient de se sortir d’un cancer du sein.
Avec elle, je me suis posé des questions importantes sur la composition des cosmétiques utilisés en nombre par les femmes, malades ou non…
J’ai longtemps hésité à écrire cet article car il jette un pavé dans la mare… Allez, plouf, on y va !
Perturbateurs endocriniens, kézako ?
Je vais tenter de simplifier… Le terme “perturbateurs endocriniens” désigne un nombre important de substances, naturelles autant que synthétiques, qui “imitent” l’action des hormones dans notre corps lorsque nous les consommons. Notre organisme est soumis à leur action parce qu’ils sont partout : dans la nourriture, dans l’environnement, et bien entendu dans nos cosmétiques aussi. Un exemple pour comprendre : une molécule de sclaréol est présente dans l’huile essentielle de sauge-sclarée. Lorsqu’elle est assimilée par l’organisme, elle est perçue par nos récepteurs hormonaux comme le serait un oestrogène, une hormone féminine. C’est la raison pour laquelle l’huile essentielle de sauge sclarée, et à vrai dire tous les extraits végétaux de sauge sclarée, sont conseillés bien souvent en cas de troubles pré-ménopause. Et déconseillés en cas de maladie hormono-dépendante.
La toxicité des perturbateurs endocriniens est encore assez mal définie. Il faut reconnaître que c’est un domaine tellement vaste qu’il est bien difficile d’établir de façon précise les modalités d’actions de ses substances, leur assimilation, etc. Par contre, il semblerait que ce soit la dose à laquelle on est exposé, sur la durée, qui puisse poser problème.
Ce qui est certain, c’est qu’une écrasante majorité des cosmétiques conventionnels contiennent des substances soupçonnées d’être des perturbateurs endocriniens. L’étude récente de l’UFC Que Choisir parle d’elle-même. On trouve du triclosan dans un dentifrice très connu. On trouve du propylparaben dans des déos, des gels douche, des fonds de teint.
C’est dingue, mais c’est comme cela. Pourquoi ? Parce que l’industrie cosmétique ne change vraiment son fusil d’épaule que lorsque les produits ne se vendent pas, ou qu’il y a un vrai scandale… Et ici, le scandale des perturbateurs endocriniens est assez discret : ses effets ne sont pas immédiatement démontrables, et personne ne se chope un cancer juste après une douche ou une application de vernis à ongles plein de dibutylphtalate (je ris, mais je ris jaune…;-))
Quels perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques ?
La liste est très longue… Et le but de mon article n’est pas de vous donner cette liste car elle n’existe pas à vrai dire.
Il y a des familles d’ingrédients cosmétiques qui sont à coup sûr des perturbateurs endocriniens lorsqu’ils sont présents et consommés à forte dose, et il y a ceux sur lesquels le doute plane… Quoi qu’il en soit, dans le doute, on aurait tendance à s’abstenir.
C’est ce que promeut le mouvement Slow Cosmétique.
C’est notamment pour cela que l’Association Slow Cosmétique combat pour une cosmétique sans substance polémique pour l’environnement ET pour la santé.
Je vous invite à lire l’article de Oolution ici qui dresse une liste très bien faite et documentée. Voyez aussi la liste plus générale par cancer-environnement.fr.
Je me limiterai à vous citer les affreux les plus courants que vous devez éviter dans les listes INCI de vos produits en bref :
– des parabens, dont les methyl- propyl- ethyl- et butylparaben.
– le phenoxyethanol
– le triclosan et le BHA, des conservateurs
– des filtres UV synthétiques : benzophenone, oxybenzone et consorts…
– les phtalates, et surtout le diethyl phtalate et les noms composés avec phtalic acid. Attention, je vous parlais récemment des phtalates dans les parfums synthétiques. Le nom “Parfum” ou “Fragrance” dans une liste INCI désigne un parfum synthétique.
Je ne mets volontairement pas les molécules naturelles dans la liste, même s’il est bien connu que les alcools sesquiterpéniques (sclareol, patchoulol, etc) contenus dans certaines huiles essentielles ont un effet oestrogen-like (HE de cèdre, de cyprès, de sauge sclarée, de patchouli, de niaouli). Je vous répète souvent de manier les huiles essentielles avec prudence, mais je ne veux pas fausser l’objet de mon article : dénoncer la présence de perturbateurs endocriniens synthétiques dans des produits cosmétiques de masse et de luxe, ceux qu’on consomme les yeux fermés !
Pascale, sa trousse de beauté et son cancer
Parlons-en, des yeux fermés ! Les femmes qui souffrent d’un cancer du sein sont de plus en plus nombreuses. Certes, on dépiste beaucoup plus qu’avant alors les statistiques montent. Mais quand même, moi cela me perturbe de voir toutes mes amies y passer. La faute à qui ? à quoi ? Je ne suis pas cancérologue alors je ne répondrai pas à cette question, et je comprends qu’il y a une multitude de facteurs croisés. Mais je pense sincèrement que les cosmétiques, certains en tout cas, jouent au moins un petit rôle noir dans l’histoire…
Pascale est une amie. Elle est styliste et a un mari adorable ainsi que deux enfants. J’aime beaucoup son rire et elle aime beaucoup le mien, alors on s’entend bien comme cela depuis quelques années. L’an dernier, elle a été touchée par le cancer du sein et a subi la chimio, puis la radio. Je vous passe les détails… Elle est en rémission, là. C’est super.
Récemment, elle a demandé à me voir parce qu’elle venait de vivre une drôle d’expérience en tant que patiente…
Les femmes atteintes du cancer du sein sont aujourd’hui encadrées à merveille par les équipes médicales, mais aussi par des associations qui leur proposent un soutien psychologique et/ou esthétique. Ces associations font un travail super. C’est incontestable. Des bénévoles réunissent des patientes, et les invitent à se chouchouter, à se faire belles malgré la maladie.
Pour se faire belle, il faut des cosmétiques. Et là, eh bien Pascale et moi on s’est posé des questions…
Quels cosmétiques en cas de cancer ?
Des marques comme Estée Lauder ont donné le ton il y a bien des années, avec la campagne pink ribbon (ruban rose) notamment. Ces marques ont investi des millions dans la recherche contre le cancer. Tout le monde applaudit et c’est en effet très bien. Ce qui m’étonne, et qui a étonné Pascale, c’est que plusieurs de ces marques n’ont pas forcément exclu de leurs formules les substances sur lesquelles un doute plane au niveau endocrinien. Dingue, non ?
Mon amie Pascale a été reçue par l’association Belle et Bien dans le Nord. L’association est active partout en France. Une super association de professionnels et de bénévoles qui propose des ateliers cosmétiques notamment aux patientes. Lors d’un atelier, Pascale a été gâtée et a reçu un important colis de produits cosmétiques. Parmi les marques représentées dans ce colis cadeau, rien que du beau monde : Clarins, Avène, Vichy, Eucerin, Atrix, Yves Saint Laurent et Sysley. “De très bons produits” a dit l’animatrice qui était professionnelle, aimable et motivante m’a dit Pascale. L’association Belle et Bien est présidée par le président de la FEBEA (la Fédération des Entreprises de la Beauté). J’imagine que cela peut expliquer en partie les beaux produits offerts. Lorsque Pascale a ouvert son colis, elle était émerveillée car il était très généreux. Mais elle s’est évidemment souvenue de mon livre “Adoptez la Slow Cosmétique” qui nous invite à lire les étiquettes. C’est là qu’elle a demandé à me voir…
Eh oui, les cosmétiques que Pascale avait reçu contenaient presque tous au moins une substance polémique!
La crème désaltérante de Clarins contenait du phenoxyethanol par exemple. La lotion pureté thermale de Vichy du parfum synthétique et de l’EDTA (pas un perturbateur endocrinien mais un ingrédient considéré comme polluant et irritant par beaucoup). La touche éclat Yves Saint Laurent du phénoxyéthanol… J’arrête ici parce que le but n’est pas du tout de cibler l’une ou l’autre marque. Ce que je cible ici, c’est la question du SENS !!
Quel est le sens de ces formules ? Et quel est le sens de recommander ces produits à ces femmes ? Comment se fait-il qu’en 2015 on trouve dans une trousse, offerte à des femmes qui sortent d’un cancer hormono-lié, des produits cosmétiques qui contiennent des ingrédients tantôt inertes et décevants, tantôt potentiellement toxiques au long terme ?
Moi, je n’y vois aucun sens. Je suis triste, affligé, déçu, même si je suis mieux placé mieux que personne pour savoir que tout cela existe. Triste, mais pas déprimé. Mon coeur bat fort pour la Slow Cosmétique qui nous invite à utiliser des matières plus nobles, plus naturelles, quitte à y perdre un tout petit peu en confort et en rêverie…
Parce que c’est bien là le problème : on rêve éveillé ! Les cosmétiques conventionnels ne sont pas ceux qu’ils prétendent être, et pourtant tout le monde ou presque s’en fout un peu. Certes, nous sommes des centaines de milliers à le savoir et à opter pour de la cosmétique propre, naturelle, bio ou transparente, appelez la comme vous voulez. Mais on est pas encore assez pour permettre aux grandes marques de se rendre compte que cela suffit ! Pas assez non plus pour qu’au sein d’ateliers beauté et bien-être destinés aux femmes malades on fasse passer le message, même si on y fait déjà un travail excellent je le répète.
Interview slow
Alors voilà, cet article se termine avec une petite interview de Pascale, parce que j’avais envie de partager avec vous son ressenti à elle face à tout cela. On se pose les questions, les bonnes, en toute quiétude. Et dans le doute, on préfère aller faire un tour dans les rayons des cosmétiques slow pour se faire du bien dans la salle de bain 😉
JK : Quelle était ton utilisation de la cosmétique en général avant ton cancer du sein ?
PM : Je me maquillais peu, donc le peu que j’utilisais devait être “de bons produits”. Je m’orientais sur des produits vendus en pharmacie style Nuxe. Pour les rouge à lèvres j’achetais des marques chères style YSL ou Chanel. Pour le visage, je mettais depuis peu de l’huile de carotte vendue en magasin bio.
JK : Quel est ton sentiment face aux produits qui t’ont été offerts lors des ateliers cosmétiques Belle et Bien proposés aux malades ?
PM : Lors de la séance nous avons été toutes très agréablement surprises de tous ces produits offerts ! D’ailleurs l’esthéticienne accompagnante nous a fait remarquer que tous les produits étaient trés bien.
C’est après ces 2 heures de séance, avec les produits sur la peau que j’ai eu des doutes. Cet atelier a été un réel plaisir pour toutes les filles mais je ne peux pas cautionner ces produits qui comportent des matières pétrochimiques, plastiques, des perturbateurs endocriniens… Je les ai donnés à d’autres personnes à qui j’ai fait toutes les recommandations sur les compositions. Même avec de lourdes pathologies, j’ai l’impression que c’est le business avant tout qui prime ! Mais je remercie les bénévoles et l’esthéticienne. Je ne pense pas qu’elles sachent…
JK : La maladie et la traitement ont-ils changé quelque chose dans ton rapport aux cosmétiques ?
PM : Tout a changé, pour moi, comme pour les personnes proches. Il y a eu une longue période où je ne mettais plus aucun produit. Depuis peu, j’ achéte des produits certifiés bio pour la peau, le rouge à lèvre, le dentifrice, le shampoing…..Pour ma fille de 14 ans qui commence à se maquiller je lui ai offert à noel un mascara, une BB crème et un produit démaquillant slow. On s’intéresse aux produits portant la Mention Slow Cosmétique.
JK : As-tu exprimé ce sentiment autour de toi ? Aux membres du personnel soignant ou animant des ateliers ? Etait-ce facile ?
PM : Lors de la séance, non je n’ai pas osé. Aujourd’hui, j’exprime ce sentiment autour de moi, à des amies proches mais aussi aux filles qui sont aussi comme moi dans la maladie (on se voit régulièrement). Je le fais facilement. Mais je n’ai pas eu l’occasion de revoir l’esthéticienne. Ce sera peut être plus difficile mais je ferai passer le message. D’ailleurs je l’ai déjà fait dans une pharmacie et chez Body Shop !
Les filles qui sont malades restent démunies en général par rapport à la cosmétique malgré les informations que je fais passer. Voilà, j’espère que je n’ai pas été trop longue. Et je souhaite que mon témoignage pourra aider toutes les femmes.