Les conservateurs dans nos cosmétiques sont-ils tous des dangers ? Comment les reconnaître ? Lesquels éviter ? Voici un aperçu complet et des réponses…
Conservateurs cosmétiques : amis et ennemis
Allergènes, cancérigènes, mutagènes, on a tout dit sur les conservateurs ! Ce sont ces ingrédients qui sont particulièrement décriés lorsqu’on s’attaque à la cosmétique conventionnelle.
D’un côté, leur présence est indispensable à la conservation des produits cosmétiques qui contiennent de l’eau et donc un risque bactériologique.
D’un autre côté, c’est dans cette famille d’ingrédients qu’on retrouve le plus de molécules (naturelles ou de synthèse) qui sont à la source de polémiques pour la santé ou l’environnement.
Qui sont-ils ? Impossible à synthétiser en quelques mots. Il existe une liste très longue d’ingrédients très différents qui peuvent être utilisés comme conservateurs… Mais je vous fais un petit topo aussi didactique que possible 😉
Conservateurs cosmétiques bio
Il n’y a pas vraiment de “conservateurs bio”, à part l’alcool bio et les huiles essentielles bio qui , rarement, sont utilisées pour conserver un produit comme une crème. Mais il existe des “conservateurs acceptés en bio”.
En cosmétique bio et en Slow Cosmétique, les marques utilisent surtout les ingrédients suivants comme conservateurs (acceptés par ces labels) :
–l’alcool bio : très naturel et bio, mais irritant. Le plus souvent utilisé dans des lotions, déodorants, solutions…
– le cosgard ou Geogard (nom commercial d’une composition à base d’alcool benzylique et d’acide déhydroacétique + eau), dans les crèmes, laits… très courant.
– le sodium benzoate (seul ou combiné avec d’autres), dans des crèmes, laits, très courant.
– le potassium sorbate (plutôt combiné avec d’autres), dans des crèmes, laits, shamoings parfois…
– le leuconostoc/radish root ferment filtrate (un extrait de radis fermenté par des bactéries) : dans des gels d’aloe, dans des crèmes et laits…
– plus rarement, de l’extrait de pépins de pamplemousse ou EPP, dans des crèmes ou laits.
– la vitamine E, mais qui n’a aucune action antibactérienne, c’est un antioxydant qu’on utilise pour préserver les huiles végétales et/ou matières grasses de l’oxydation.
Cette liste n’est pas exhaustive. Il en existe encore plusieurs qui sont acceptés par les labels bio et par le label Slow Cosmétique.
Conservateurs cosmétiques conventionnels
Les conservateurs les plus utilisés en cosmétique conventionnelle sont l’alcool (les alcools de plusieurs type), les parabens, les thiazolinones, l’EDTA et les Quats. Je vous propose ici de vous les décrire un peu et surtout d’expliquer ce qui peut fâcher.
Comprendre les alcools
L’alcool utilisé en tant que conservateur présente à la fois des avantages et des inconvénients. Décrié parfois, il est accusé de dessécher la peau et de l’irriter. Parmi les rares conservateurs autorisés par les labels bio les plus stricts, l’alcool peut être d’origine naturelle contrairement à tous ses concurrents. La cosmétique conventionnelle utilise toute une série de qualités d’alcool très différentes. La réglementation impose cependant aux fabricants l’utilisation d’alcool dénaturé, afin d’éviter que les fans de boissons alcoolisées boivent leur eau de toilette… Dans
certains cas, la dénaturation de l’alcool est pratiquée avec des phtalates, mais le processus de fabrication de l’alcool n’est jamais mentionné sur l’étiquette. On en est donc réduit à se méfier de l’ingrédient « alcohol denat. », sans certitude.
Leurs petits noms :
Les alcools sont tous désignés dans la liste d’ingrédients par le mot « alcohol »
précédé ou suivi d’un autre mot. Il est impossible de lister ici tous les ingrédients assimilés à l’alcool. Attention, les alcools gras cités plus haut s’écrivent également comme cela mais ne sont pas utilisés comme conservateurs (ex : cetylalcohol ou stearyalcohol). Les XX glycols sont aussi des alcools mais pas des conservateurs.
Un mot sur le phénoxyéthanol
Le phénoxyéthanol n’est pas un alcool à proprement parler mais il est très soluble dans l’alcool et est utilisé lui aussi comme conservateur dans de nombreux produits cosmétiques conventionnels. Ce conservateur de la famille des éthers de glycol sert aussi souvent de solvant pour d’autres conservateurs, en particulier pour les parabens. Cette substance aromatique (contenue à l’état naturel dans la chicorée) est reconnue comme problématique. Potentiellement allergène, cancérigène et surtout perturbateur endocrinien, le phenoxyethanol se retrouve dans bien des
études. La réglementation européenne a limité son dosage à 1 %.
En France, depuis 2019, les autorités de santé (comme l’ANSES) déconseillent son utilisation dans les produits et lingettes destinés au siège des bébés. Mais l’ingrédient est encore très courant.
Dans la liste INCI, on le reconnaît à son nom explicite : phénoxyéthanol, 2-phénoxyéthanol ou phénoxytol.
Et les parabens ?
Ce sont les mal-aimés de la cosmétique des années 2000 ! Il existe de nombreux types de parabens (ou « parabènes »). On les utilise comme conservateurs dans l’industrie cosmétique, mais aussi dans l’alimentation et les médicaments. Un paraben est un composé chimique de type ester, résultant de la condensation d’un acide avec un alcool. Ces esters ont des propriétés antibactériennes et antifongiques. Ceci explique leur utilisation fréquente en tant que conservateur. Les parabens sont néanmoins très décriés depuis qu’on en a retrouvé à l’état de traces dans des cellules cancéreuses…
Dans les années 1990, on s’est étonné de retrouver des parabens dans les cellules cancéreuses de patientes atteintes du cancer du sein. La polémique vient du fait que, lors d’une étude du docteur britannique Philippa Darbre sur 20 échantillons de tumeurs cancéreuses, des traces de parabens ont été trouvées dans 18 d’entre eux. Le lien avec la maladie a donc été mis en avant, sans être prouvé. Les chartes et labels bio qui naissaient à cette époque n’ont jamais autorisé les parabens dans leurs cahiers des charges.
Depuis l’émergence de ces questions, des dizaines d’études ont été menées par des scientifiques issus de laboratoires privés ou d’universités. Les résultats se contredisent et il est impossible à l’heure actuelle de dire si oui ou non tous les parabens sont des matières ayant une influence dans le développement du cancer. Le mal est cependant fait : le grand public n’en veut plus. Pourtant, tous les toxicologues sont d’accord pour dire que les parabens sont probablement les conservateurs les plus sûrs qui soient.
Les fabricants ont commencé au début des années 2000 à reformuler leurs produits « sans paraben ». Le 3 mai 2011, l’Assemblée nationale française a voté à la surprise générale un projet de loi interdisant les parabens. Le texte ne comprenait qu’un seul article : « La fabrication, l’importation, la vente ou l’offre de produits contenant des phtalates, des parabens ou des alkylphénols sont interdites. » Il n’a pas abouti. En revanche, en 2014, l’UE a limité la concentration maximale autorisée des propyl- et butylparaben (à 0,14 %, contre 0,4 % avant). Leur utilisation est aussi interdite dans les produits sans rinçage destinés au siège des enfants de moins de 3 ans. Comme quoi, ces deux parabens-là font l’unanimité ou presque sur leur non-innocuité :-/.
Dans la liste INCI, le plus simple consiste à identifier les termes qui contiennent le mot -paraben-. Bien que les parabens se cachent depuis peu derrière d’autres noms très compliqués, on les reconnaît encore la plupart du temps facilement grâce à leur nom explicite dans les listes d’ingrédients sur les emballages. En cosmétique, on rencontre le plus souvent : methylparaben, ethylparaben, propylparaben, butylparaben et isopropylparaben.
Les thiazolinones ou MIT’s
En Occident, le haro sur les parabens a provoqué leur remplacement dans les formules
par le fameux méthylisothiazolinone, appelé parfois “MIT” ou la méthylchloroisothiazolinone (MCIT) . Ce type de conservateur est un irritant puissant et n’a offert qu’une piètre alternative, mais il était bon marché et connu. Business is business, hélas !
Les thiazolinones sont généralisées dans les produits de beauté depuis plus de 15 ans. À plusieurs reprises et dans plusieurs pays, des dermatologues ont alerté sur la dangerosité de ces conservateurs. Au niveau européen, en mars 2014, le CSSC (comité scientifique pour la sécurité des consommateurs), a jugé qu’il n’existe aucune concentration “safe” dans les cosmétiques non rincés. On ne trouve plus vraiment ce composé à présent dans les cosmétiques non rincés heureusement, mais on en trouve encore dans pas mal de produits lavants.
Dans la liste INCI, pour les MIT, identifiez simplement « thiazolinone » dans les noms d’ingrédients.
L’EDTA
L’EDTA est, dans sa forme pure, un acide (EDTA signifie Ethylene Diamine TetraAcetate,
ou acide acétique). Il a un pouvoir antibactérien et stabilisant très appréciable, mais dans l’absolu, c’est un poison. On utilise l’EDTA comme conservateur et antioxygène dans l’industrie de la photographie, du papier ou de l’alimentation. On limite évidemment sa concentration en raison de sa toxicité. Pour couronner le tout, c’est un ingrédient polluant.
En cosmétique conventionnelle, c’est un conservateur assez courant mais de plus en plus critiqué. On le trouve dans beaucoup de savons industriels, mais aussi dans bien d’autres cosmétiques courants.
Dans la liste INCI, on identifie facilement l’EDTA comme suit : EDTA, Disodium EDTA, Trisodium
EDTA, Calcium Disodium EDTA.
Les libérateurs de formaldéhyde
Le formaldéhyde est un conservateur qui a été remplacé dans bon nombre de formulations car il a été prouvé qu’il s’agit là d’un fort allergène. On le soupçonne aussi par ailleurs d’être cancérigène dans certains contextes. On le trouve aujourd’hui presque uniquement dans des produits pour ongles. Le formaldéhyde est un gaz à température ambiante, mais il est utilisé en solution
aqueuse en chimie.
En Europe, son utilisation est d’ailleurs limitée de facto par la législation cosmétique. En effet, si la formule contient du formaldéhyde à plus de 0,05 %, le produit doit obligatoirement mentionner sa présence. En tant que conservateur, le formaldéhyde ne peut être présent à plus de 0,2 % sauf pour les produits pour hygiène buccale où la concentration autorisée est encore plus faible, soit 0,1 %. Notons que dans les durcissants pour ongles, sa concentration est autorisée jusqu’à 5 %.
Là où cela se complique, c’est que plusieurs ingrédients autorisés peuvent potentiellement libérer du formaldéhyde dans la formule. C’est le cas par exemple du Quaternium-15, un « Quat » assez répandu (les « Quats » ou « Quaternium » sont également des conservateurs chimiques conventionnels). Allergène et irritant reconnu, le Quaternium-15 est limité dans son dosage par la législation européenne.
Dans la liste INCI , on trouve le formaldéhyde sous diverses autres appellations : Formol, Formicaldehyde, Methanal, Oxymethylene…
Retrouvez les « Quats » libérateurs de formaldéhyde dans les listes d’ingrédients comme suit : Quaternium-15, Quaternium-18, Polyquaternium-10 (ou tout autre chiffre), DMDM
Hydantoin, Chlorphenesin, Diazolidinyl urea, Methylisothiazolinone…
Et le triclosan ? Et le BHT ?
Tricolan, BHA, BHT, chlorphenesin… Il y a encore beaucoup de conservateurs qui ne sont pas détaillés dans cet article. Retenez déjà ceux-là, mais lisez aussi mon article sur les perturbateurs endocriniens car il faut bien reconnaître que beaucoup de conservateurs sont soupçonnés d’en être.
Ce qu’il faut retenir par rapport à ces ingrédients là, c’est qu’ils sont à éviter si vous souffrez d’une maladie hormono-dépendante (un cancer du sein par exemple). Il faut aussi accepter de comprendre qu’aucun cosmétique pris individuellement n’est dangereux pour la santé, mais que par contre aucune étude n’existe sur l’effet cocktail des nombreux potentiels perturbateurs endocriniens avec lesquels nous entrons en contact chaque jour (dans les peintures, les divans, les cosmétiques…).
Quelle position adopter face aux conservateurs ?
Comme vous le lirez dans mes livres ou dans les publications de l’Association Slow Cosmétique, le mouvement prône souvent l’usage de cosmétiques qui ne contiennent pas d’eau. Huiles végétales, beurres végétaux et baumes sans eau n’ont pas besoin de conservateurs pour être utilisés puisqu’ils ne contiennent pas d’eau.
Dans le même état d’esprit, la Slow Cosmétique évite le fastidieux débat sur les conservateurs en nous invitant à préparer souvent des soins « à la minute ». Comme pour une recette de cuisine, on se prépare un soin cosmétique et on l’utilise dans les heures ou les jours qui suivent.
Lorsque l’usage d’un conservateur est absolument nécessaire (pour une crème, un gel, une émulsion) les adeptes de la Slow Cosmétique font confiance aux cahiers des charges de la cosmétique certifiée bio et au label Slow Cosmétique, qui excluent l’utilisation des conservateurs les plus polémiques.